La Vitesse et l'Instant
Pour le premier billet de ce blog, je souhaiterais prendre le temps de parler de vitesse... ce sentiment d'urgence qui anime chaque individu de notre société présente, cette chose invisible et qui pourtant semble nous pousser à ne pas trainer, à accomplir dans l'instant T ce qui nous motive, ce que nous désirons, chaque action de notre quotidien.
Toujours un train à prendre, un repas à préparer, un devoir à rendre pour les plus jeunes, un client à accueillir ou à conseiller pour les plus agés. Une journée découpée avec soin - lever, déjeuner, douche, travail, repas, travail, coucher - afin de ne laisser aucune place au vide. des enfants à élever pour la plupart, et quelques îlots de repos gracieusement accordés sous le nom de "week end" ou mieux, "vacances", eux aussi soigneusement délimités. Et encore, quand bien même sommes nous enfin libérés des obligations rythmant le quotidien, combien prennent donc le temps de ne... rien faire ? Oui, se poser un instant, mettre le film sur pause et regarder en arrière ? Nous demandons nous si le chemin que nous empruntons actuellement est le bon ? Si nous avons fait, au delà de l'incontrôlable, les bons choix ? La frénésie de l'existence nous permet t-elle de nous poser avec patience et attention ce genre de questions ?
Car nous sommes, semble t-il, imprégnés au quotidien de stimulis permanents qui nous encouragent à penser au présent, et uniquement au présent. Entre les obligations sociales qui se renouvellent constamment et les désirs et besoins que la société de consommation suscite en nous, entre toutes ces images, tous ces sons, l'euphorie d'Internet et la communication instantanée, l'information immédiate et les réactions impulsives, je vois parfois une société qui vit et bouge par spasmes. Le web me semble être l'incarnation parfaite de cette réalité sensorielle augmentée, une image absolue de la vitesse, ce super-cerveau technologique, à la fois bibliothèque miraculeuse et lieu de vie sociale à part entière. Mais aussi dangers multiples, souvent retors car dissimulés derrière la sensation de protection apparente de l'écran. Les pulsions s'y expriment ici à la perfection, on y fait des rencontres, des amis, on y paye ses factures, on y raconte les moindres détails de son existence, bref, on y vit en un clic, dans la tornade onctueuse de couleurs et de sons, dans le temple douillet des informations et du divertissements.
Et pourtant, cette instantanéité nous apporte tellement de choses ! Le rêve des Lumières de voir l'information réunie et facilement accessible se voit enfin concrétisée ! Nous pouvons comparer, analyser, faire des rencontres étonnantes, découvrir des choses extraordinaires, partager ses idées comme je le fais actuellement, discuter instantanément avec qui bon nous semble, bref, le monde de l'immédiat nous ouvre aussi une porte immense par le biais de la technologie. Mais ceci semble également ouvrir de nouvelles perspectives : ne devons nous pas faire tourner cette grande machine, la société de l'immédiat, avec ce même rythme effréné ? Ne sacrifions nous pas notre propre temps de vie, tels des aveugles enveloppés par une riche mélodie, pour nourrir ce hyper-système dont nous sommes... bénéficiaires ? Savons nous couper Internet, éteindre le téléphone portable, s'assoir, fermer les yeux et réfléchir sur toutes ces sentations que nous avons ressentis ?
A vrai dire, mon avis sur cette société du désir et de l'immédiat est assez mitigé. Je pense que ces nouvelles ressources, cette nouvelle conception du temps et de l'espace ne sont pas encore réellement domptés par leurs utilisateurs (dont je ne m'exclus pas). L'évolution même des technologies, effrénée et inéluctable, nourrit constamment le public de nouvelles sentations fabuleuses. Au delà de la méfiance, voir du déni de l'évolution, il serait peut être bon de se poser un instant et de profiter à fond, en ayant pleinement conscience de la chance que nous avons, en savourant avec délice chaque apport de ces nouveaux médias sans diabolisation, mais aussi de comprendre la place que nous occupons, que l'individu occupe, au sein de cette immense toile d'araignée. Ce Web immense et un peu mystérieux, qui nous connecte à toute chose sans délai, cette société dépourvue de temps morts.